L’enseignement de la composition et des musiques électroniques est assuré dans un département rassemblant deux classes œuvrant en étroite harmonie et développant de riches synergies. Focus.

Formé de deux classes distinctes – selon les critères d’entrée et de sortie – le département “Composition et musiques électroniques” (permettant de débuter par une initiation et d’aller jusqu’à un doctorat transfrontalier unique en Europe, fruit d’un partenariat entre la HEAR, l’université de Strasbourg et la Hochschule für Musik de Fribourg-en-Brisgau), n’en possède pas moins une forte unité. « C’est un groupe de 19 jeunes compositrices et compositeurs aux profils très différents venus de France, de Corée, du Japon, de Colombie, du Chili, d’Argentine, etc. », résume Tom Mays, en charge de la classe de création et d’interprétation électroacoustique.

Créer un esprit

Il poursuit, insistant sur « les rencontres multiples, les activités communes dans le studio d’enregistrement, espace de travail partagé. » Et son collègue Daniel D’Adamo, en charge de la classe de composition de renchérir : « J’enseigne la composition vocale, instrumentale et mixte. C’est justement la musique mixte qui fait la jonction entre nos deux classes, permettant d’explorer le rapport entre l’instrument et l’électronique. Tous mes étudiants suivent les cours de Tom et réciproquement. Pour eux, c’est une manière de développer leur oreille, leur écoute et leur culture du son, mais aussi, et avant tout peut-être, d’écrire de la musique instrumentale de manière différente, d’ouvrir leur spectre sonore. Après avoir exploré l’électroacoustique, ils composent de la musique instrumentale de manière enrichie, en quelque sorte. C’est la grande leçon de Karlheinz Stockhausen et d’Helmut Lachenmann. »

Cet esprit commun au département se nourrit de multiples concerts, plus d’une dizaine par an. Ils constituent autant d’instants de partage et de rencontre : « Nous déployons un équipement qui demande une entraide. Tout le monde installe et désinstalle le plateau », explique Daniel D’Adamo : « Lorsqu’une pièce d’un étudiant est jouée, un autre s’occupe du niveau d’entrée des microphones, des patches informatiques, etc. Il importe de s’entraider et d’apprendre à tous les niveaux. » Nous voilà loin de la vision encore trop répandue du compositeur dans sa tour d’ivoire.

Générer des ouvertures

Si les rapports entre les deux classes sont essentiels, une des marques de fabrique du département est aussi le lien puissant tissé avec des ensembles et collectifs locaux, que ce soit Linea, L’Imaginaire, Accroche Note, HANATSU miroir ou Lovemusic. « C’est un travail de fond basé sur une convention unissant la classe à deux ensembles chaque année (les deux derniers cités pour la période présente, NDLR). Chaque musicien donne ainsi, par exemple, des master-classes de technique instrumentale. Des projets voient le jour, des collaborations inédites également », explique Daniel D’Adamo. Mais l’ouverture ne se limite pas à la musique : des partenariats se nouent, par exemple, avec la classe de scénographie et François Duconseille.

Deux étudiants mettront ainsi en scène le concert d’HANATSU miroir au Maillon en mai : « Nous sommes dans une logique de création commune, autour d’un objet artistique. » Cette pratique des coopérations multiples et des ouvertures tous azimuts et déjà ancienne. Tom Mays évoque ainsi l’exposition « Vides partagés au Shadok en 2016 – en collaboration avec Gérard Starck, responsable de l’Atelier La Fabrique – où étudiants musiciens et plasticiens ont questionné l’expérience du public, sa capacité à écouter, voir ou ressentir ou Next Generation du ZKM de Karlsruhe, événement auquel nos classes participent depuis 2017, soulignant les interconnexions à l’œuvre avec les ateliers Sonic de Mulhouse et Phonon à Strasbourg autour du groupe de recherche Espaces Sonores de la HEAR. »

L’avenir ? Il s’annonce fécond, notamment avec l’enregistrement de pièces de jeunes compositeurs et compositrices par l’ensemble Linea dirigé par Jean-Philippe Wurtz (le 2 février à l’auditorium du Conservatoire) et autour de l’exposition dédiée à La Marseillaise du Musée historique (qui débutera normalement le 5 novembre).


À propos de Daniel D’Adamo

Né en 1966 à Buenos Aires (Argentine), Daniel D’Adamo étudie la composition avec Philippe Manoury et D. Lorrain au CNSM de Lyon puis à l’Ircam avec Tristan Murail et Brian Ferneyhough. Il reçoit plusieurs distinctions, comme le prix Boucourechliev, le Prix de Printemps de la Sacem, le prix Grame-EOC et le Prix de l’Académie Charles Cros pour l’enregistrement discograhique de son quatuor à cordes avec électronique Plier/Déplier. Il a été pensionnaire-compositeur à la Villa Médicis. Son catalogue comporte une cinquantaine d’œuvres pour différentes formations instrumentales et vocales, avec ou sans électronique. Ses œuvres sont régulièrement jouées en France et à l’étranger par différents solistes, formations orchestrales et de chambre lors de nombreux concerts et festivals. Son catalogue est édité par les éditions Gérard Billaudot et Le Chant du Monde.

Le site de Daniel D'Adamo

 

À propos de Tom Mays

Originaire de Californie, Tom Mays est compositeur, enseignant et chercheur. Très actif dans le milieu de l’informatique musicale, il donne séminaires, master class et ateliers, et il compose ou improvise musiques numériques et mixtes pour instruments, dispositifs temps réel, supports électroacoustiques, contrôleurs gestuels et nouvelles lutheries – pour solistes et ensembles tels Fabrique Nomade, Voix de Stras’ et les Percussions de Strasbourg. Il travaille avec des institutions telles l’IRCAM, le CNSMD de Paris, CNCM Césaré, La Muse en Circuit et New York University. Il est chercheur associé au LabEx GREAM à l’université de Strasbourg, et il poursuit un doctorat à l’Université Paris 8 – Traitements Temps Réel et Écriture.

Le site de Tom Mays

 


Hervé Lévy • Publié le 1er janvier 2021