« À travers une approche multiple, je m’interroge sur la porosité qui existe entre les disciplines. Je passe avec liberté d’un domaine à un autre sans égard de frontière. » En quelques mots, le décor est planté. Rencontre avec Geraldine Husson, plasticienne aux multiples facettes, artiste du matériau, de l’espace et du mouvement.
Peinture, sculpture, design, photo, installation, elle ne laisse rien de côté et s’autorise à explorer plusieurs médiums ! Mulhousienne d’origine, Geraldine obtient en 2006 son DNSEP en Art à la HEAR (qui se nommait encore Le Quai à l’époque). « L’école c’est un couteau suisse géant ! J’y ai appris à me débrouiller. Ce n’était pas les années les plus faciles, mais c’était les meilleures. J’étais à cœur ouvert, tout le temps, et je mesure la chance d’être passée par là. J’y ai bien grandi. » Une discussion avec l’un des membres de son jury de DNA (3e année) lui permet de partir en Chine pendant quatre mois l’année suivante : « Cet échange m’a transformée. Ça m’a donné confiance. Et c’est ce dont j’essaie de me souvenir lorsqu’il y a un creux de vague : parfois il suffit d’une rencontre. »
Des creux de vague il y en a eu, mais Geraldine a persévéré et les a toujours traversés. « Le chemin de la création n’est pas un long fleuve tranquille, il y a heureusement les hauts avec des projets qui portent, comme les expositions collectives, personnelles, les appels à projets, les salons, les résidences… », explique celle qui a depuis exposé à Prague, Fribourg, Bâle, Milan ou encore au Luxembourg et en Chine. Aujourd’hui elle est installée à Strasbourg, où elle a longtemps occupé un atelier au Bastion 14 et où elle mène de front plusieurs activités : « Actuellement je suis en recherche d’un nouvel atelier pour ma pratique, en parallèle je travaille à l’Université de Strasbourg au Jardin des Sciences et j’enseigne à la Faculté des Arts Visuels aussi. » Aucune opposition entre science et art pour cette créatrice plurielle, pour qui la vie et les cycles sont des thématiques maîtresses.
Partage et transmission
Son parcours strasbourgeois ne l’empêche en rien de garder de solides attaches avec sa ville natale, dans laquelle elle expose actuellement ses « Œuvres vives » [ndlr : Musée des Beaux-Arts de Mulhouse] : « C’est un beau symbole d’être exposée dans ce lieu, c’est une forme de reconnaissance aussi. » Son exposition, prévue depuis deux ans, a pu s’ouvrir au printemps. Elle rassemble une soixante d’œuvres, dont la moitié se compose de pièces récentes que Geraldine présente au public pour la première fois. Et cette rencontre avec le public, elle en est avide : « Ce sont deux étapes bien différentes, mais pour moi la monstration est aussi importante que la production. J’ai besoin du lien avec le public, du regard, de l’échange. Tous les retours sont bienvenus, cela permet d’ouvrir d’autres perspectives et cela nourrit ma recherche. »
Importance du partage donc, mais aussi de la transmission. « Récemment j’ai ouvert les portes de mon atelier dans le cadre de la manifestation Ateliers ouverts. J’ai également été invitée à participer à plusieurs workshops à la HEAR ainsi qu’à l’ENSAS, et puis je donne des cours en L1 et L2 à la Faculté des Arts de l’Unistra. J’y anime des ateliers d’expression plastique. J’apprécie de transmettre mon expérience, de témoigner d’un parcours, mais surtout de guider les étudiant·es, de les encourager à franchir les limites des disciplines et à produire. »
Tout est matière à création
La transdisciplinarité est en effet clef dans l’œuvre de Geraldine. Et cette dernière sait faire feu de tout bois. Elle récupère, recycle, transforme. « Je n’ai pas de matériau de prédilection, ils me plaisent tous ! J’accorde un grand soin à la quête des matériaux et je travaille aussi bien avec de la peinture, du tissu ou du carton qu’avec du pvc ou du marbre. J’aime aussi décliner les techniques : je peins des œuvres comme je peins sur des œuvres ; et puis je mets en situation, je m’amuse avec l’espace. » La créativité s’exprime sous de multiples formes, c’est pourquoi Geraldine s’affranchit des barrières et joue avec les limites. « J’aime me mettre au défi de trouver des solutions pour concrétiser une œuvre. Quand j’étais petite, ma maman me disait déjà que je savais faire quelque chose avec trois fois rien et rendre cela beau. » Cette recherche à la fois sensitive avec les matériaux et esthétique dans son aspect, ce mélange des matières et techniques, tout cela s’illustre parfaitement dans l’exposition « Œuvres vives », véritable aboutissement pour Geraldine. Elle propose des pièces immersives, qui invitent à prendre le temps de regarder en surface puis d’entrer au cœur en écho au titre évocateur.
Et pour la suite ? « Ni pause, ni projet. Je prends chaque jour après l’autre et je prends le temps de digérer tout ce qui s’est déroulé depuis deux ans. Je sais qu’il y aura autre chose, mais cet autre chose n’est pas encore défini. » Nous guetterons avec impatience les prochaines propositions de Geraldine. À l’écouter parler de son processus créatif, une évidence se dessine : voilà une artiste qui parvient à libérer toute la richesse des héritages qui l’imprègnent. Et quand on lui demande ce qui, dans l’art, est le plus essentiel à ses yeux, sa réponse séduit : « Le droit à la contemplation, à l’émerveillement et à la beauté. » Un grand merci et belle continuation !
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Et pour contempler ses « Œuvres vives », rendez-vous au musée des Beaux-Arts de Mulhouse jusqu’au dimanche 29 août 2021.
Anaïs Jean • Publié le 25 juin 2021