Strasbourg, La Chaufferie

Hervé Youmbi est un artiste camerounais au parcours international, diplômé de l’école en 2001. Il proposera l’exposition « Masks on the Move » à La Chaufferie, accompagnée d’un workshop au sein de l’option Art-Objet de l’école.

Le travail entrepris par Hervé Youmbi ces dernières années porte essentiellement sur la production de masques hybrides saisissants. Des sculptures en bois recouvertes de perles et de boutons multicolores, caractérisées par un mélange d’éléments qui surplombent le canon traditionnel des africanistes. Deux genres d’objets rituels distincts sont fusionnés en un seul. Les caractéristiques associées aux styles de sculpture de régions lointaines – Dogon (Mali) et Bwa (Burkina Faso), notamment, mais également Yoruba (Nigéria), Kota et Punu (Gabon) entrent également dans la composition. Ajoutez à cela les orbites et les bouches distendues des masques d’Halloween inspirés par la culture hollywoodienne, et le résultat apparaît comme totalement disjonctif.

Hervé Youmbi confère à ses créations une mobilité qui brouille divers codes de l’art. Les objets réalisés en collaboration avec les artisans de la région de l’ouest Cameroun font dans un premier temps l’objet d’une exposition dans un lieu dédié à la création contemporaine, avant d’intégrer l’univers rituel réel. Dans cet environnement, ils deviennent la possession personnelle des initiés de Ku’ngang qui les « activeraient » en participant à des rites dansés organisés par l’association. Ainsi, des œuvres à la dimension post-conceptuelle se transformeraient en objets de pouvoir chargés spirituellement.

À ce jour, une dizaine de masques hybrides réalisés par ses soins mènent une vie « d’objet rituel » après avoir été exposés dans des galeries et des centres d’art contemporain. Certains masques ont fait plusieurs va-et-vient entre l’univers rituel et la scène contemporaine. Les créations hybrides d’Hervé Youmbi acquièrent à chaque déplacement un nouveau statut. Des couches de sens se sédimentent, donnant lieu à des objets complètement glissants, impossibles à classer selon les dichotomies qui ont longtemps structuré la manière dont la production matérielle et culturelle en provenance d’Afrique est analysée, exposée et commercialisée. Les schémas classificatoires formés par des forces économiques, sociales et politiques intimement liées au projet capitaliste – schémas enracinés dans la période coloniale et puissamment à l’œuvre dans son postcolonial après coup – s’en trouveraient minés.

Autrement dit, chaque sculpture incarnerait et précipiterait une sorte de crise ontologique. Les questions ne manqueraient pas : devrait-on les considérer comme des objets « rituels » ? En tant qu’art africain ou contemporain ? En tant que pièces « traditionnelles » ? Comme des œuvres « uniques » ? Doit-on y voir une production « individuelle » ou « collaborative » ? Toutes les catégories utilisées par les « spécialistes » du Nord (et de plus en plus de l’Est) pour traiter de l’art africain sembleraient remises en question. L’un des principaux effets de ces masques ne serait-il pas de déstabiliser les structures de validation et d’évaluation à l’œuvre dans les centres auto-investis comme producteurs de connaissances.

Conférence table-ronde avec Hervé Yombi et Julien Bondaz, mer. 6 mars Télécharger le flyer de l'exposition Voir les photos de l'exposition sur le Flickr de l'école

La Chaufferie, galerie de la HEAR
5 rue de la Manufacture des Tabacs — Strasbourg

Exposition du 1er au 17 mars 2019
Vernissage le 28 février 2019 à 18h30
La Chaufferie est ouverte les vendredi, samedi et dimanche de 14h à 18h et sur rendez-vous : +33 (0)3 69 06 37 79
www.lachaufferie.hear.fr