Invité·es et détail du programme
Bertrand Prévost, historien de l’art et philosophe, est maître de conférences habilité à l’université de Bordeaux-Montaigne. Il a notamment publié La peinture en actes. Gestes et manières dans l’Italie de la Renaissance (Actes Sud, 2007) ; Botticelli. Le manège allégorique (Ed. 1:1, 2011) ; Peindre sous la lumière. Leon Battista Alberti et le moment humaniste de l’évidence (Presses Universitaires de Rennes, 2013) ; Marqueterie générale. Hubert Duprat (La Part de L’oeil, 2020); L’élégance animale, Fage (sous presse).
L’involution créatrice. Critique de la percussion
On essaiera de faire un sort à l’évidence selon laquelle la percussion décrirait l’action fondamentale sur la matière. Peut-être touchons-nous ici un présupposé métaphysique et ontologique, enraciné très profondément dans notre tradition philosophique et artistique, un préjugé qui perpétue une triple illusion hylémorphique (l’opposition forme-matière), mécaniste et intellectualiste. La critique d’un modèle percussionniste devra fatalement se placer sous l’horizon d’une critique de l’individualité elle-même. L’enjeu de toute cette affaire ? se rendre capable de penser un état pré-individuel du matériau et d’envisager le geste artisanal comme involution, inflexion, invagination, autant dire selon une dynamique qui éprouve l’intériorité (l’intériorité d’une forme, d’un motif, d’un objet) comme le repli sur soi d’une extériorité, et non comme la projection-percussion d’une idée, d’une forme pré-conçue. Restera alors à comprendre comment toute production procède toujours par un dépli ou un développement fondamental, dont les arts textiles (par le tissage) et les arts du livre (par le pliage) nous fourniront sinon un modèle, du moins une première approximation.
David Bielander, artiste
Depuis qu’il a commencé à errer dans les rues de sa ville natale à l’âge de sept ans, dissimulé derrière un masque avec son piccolo, David Bielander, né en 1968 à Bâle, est fasciné par les jeux d’identité et d’appartenance sociale. Formé comme bijoutier, il est particulièrement attaché au potentiel de cette pratique en tant que forme d’art avec ses spécificités.
La création d’œuvres emblématiques comme Lip (1999), Scampi (2007), Python (2011) ou Cardboard (2015) fait de lui l’un des principaux artistes du bijou contemporain. David Bielander vit et travaille à Munich, en Allemagne.
La question du pliage/dépliage du métal intervient régulièrement dans ses objets.
Il présentera certaines de ses réalisations sous cet angle.
What happens, when the slug appears on a person ?
Why make jewellery when you can make real art?
About the potential of jewellery as an art form with its unique specificity to investigate questions about identity, affiliation, judgement and perception, how these are steered, and how one can shift them.
Pourquoi faire des poissons avec des punaises ?
Comment injecter un peu plus de merveilleux, d’humour, forcer l’inspection des objets, tromper l’œil ? Comment s’opère la métamorphose des objets, des rebuts, de l’existant, du déniché en autre chose ? Est-ce l’idée ou le choix de la matière qui prime dans la création d’un objet ? Qui de l’oeuf ou de la poule ?
Pétrole Éditions (Audrey Ohlmann/Nina Ferrer-Gleize), artistes et éditrices
Fondée en 2013, Pétrole éditions conçoit, produit, édite, expose et diffuse des publications dites « d’artiste ». L’édition devient un objet total, la forme et le contenu étant intimement liés, au service du sens véhiculé. Défendant une pratique de l’édition expérimentale, libre et collective, Pétrole éditions pense aussi l’architecture du livre sous d’autres formes, hybrides — collaborations au sein d’expositions, de performances, d’événements divers. Leur principale publication est une revue, Talweg, qui compte aujourd’hui six numéros. Les livres publiés par Pétrole Éditions sont diffusés par Paon diffusion et distribués par Serendip Livres. Pétrole Éditions se compose des artistes-chercheuses Audrey Ohlmann et Nina Ferrer-Gleize, et du designer graphique Thomas Leblond.
«Tenir à tout » : éditer sans renoncement
Les livres de Pétrole Éditions sont pensés depuis un savoir-faire artisanal (dans une conception du livre ouvragé pensé tant dans son fond que dans sa forme), mais qui tendent à s’inscrire dans le circuit de l’édition plus large. Comment « tenir à tout », travailler avec conviction, ne pas renoncer à ses exigences en tenant ensemble précision éditoriale, graphisme, qualité d’impression et de façonnage, fabrication locale, accessibilité, coût de production et de diffusion, prix de vente ? Récit d’une expérience faite de joies, d’hésitations, d’obstacles et de négociations.
Cyrille Bret, historien de l’art, professeur à la HEAR depuis 2014 après avoir été attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’université Lyon 2. Sa démarche historienne est nourrie par l’anthropologie et ses recherches portent notamment sur les questions du vivant dans l’art contemporain, sur les formes de rationalité artistique, le mouvement Fluxus, et les questions de globalisation culturelle.
Il est l’auteur d’un essai intitulé Robert Filliou et sa « recherche », Québec, Inter éditeur, 2010, a codirigé l’ouvrage Hervé Youmbi and Beyond, éditions de la HEAR, 2019, et travaille actuellement à la coédition d’un ouvrage collectif autour des activités de l’axe 3 de l’unité de recherche FAIRE-MONDES (titre provisoire : Objets en situation : approches artistiques, anthropologiques et esthétiques).
Savoir prendre le pli des objets : les boîtes Fluxus entre dispositif éditorial, structure d’itération performative et réseau de socialisation.
George Maciunas que l’historiographie fluxienne décrit tantôt comme l’impresario, l’éditeur ou la cheville ouvrière de la nébuleuse Fluxus, a réalisé un certain nombre de « boîtes » reposant sur la tension dynamique entre protocole et réalisation qui innerve l’émergence des pratiques performatives depuis le milieu des années 1950. Conçues comme des assemblages sophistiqués, ces boîtes pouvaient contenir des objets, d’autres boîtes, des dispositifs imprimés, des films ad lib. Son ambition était d’y replier littéralement toutes les activités Fluxus, mais d’autres artistes s’y sont aussi employés, dont l’importance a longtemps été minorée, notamment Takako Saito qui a initié Maciunas à la technique japonaise de fabrication de boîtes en bois dénuées de clous, mais on pourrait évoquer aussi la FLUX NAPKINS de Shigeko Kubota, l’édition Bundle of Events du Hi-Red Center, ou certaines œuvres de Yoko Ono ou de Mieko Shiomi investissant directement le geste du pli.
Sur cet axe américano-japonais de Fluxus, une contamination de la construction de boîtes par des stratégies cognitives et plastiques apparentées au pli témoigne à la fois de la dimension cosmopolitique de Fluxus, mais aussi des multiples dynamiques sociales que ces boîtes renferment et traduisent, et l’on peut s’interroger sur « ce qui aime à se cacher » dans de tels dispositifs, ou encore sur le type de monde de l’art qui s’y instaure.
Clara Denidet, artiste
La pratique de Clara Denidet tient autant de l’enquête anthropologique que du bricolage empiriste. Elle cherche dans la cohabitation de ces deux terrains des accès aux savoirs individuels et collectifs qui s’expriment à travers le langage, les objets et les pratiques du quotidien. C’est souvent la rencontre d’un terrain et de celleux qui l’habitent qui amorce la recherche. De là émergent des textes, des images, des sculptures et installations qui peuvent devenir outils ou dispositifs pour la parole, le soin, l’échange de savoirs et de récits. Régulièrement accueillie en résidence, ses travaux ont été exposés au Bel Ordinaire (Pau), au FRAC Lorraine (Metz), au Cetate Arts Danube (Roumanie), au FRAC Bourgogne (Dijon) ou à la Maison du Patrimoine Oral (Anost). Elle est membre du collectif 47-2. Elle vit et travaille en Bourgogne.
Faire du stop et savoir-faire
autres itinéraires de l’atelier
En envisageant le déplacement comme dynamique de création, l’espace de recherche s’oriente intuitivement d’un terrain à un autre, au hasard d’une rencontre qui mène toujours à la suivante. Si « faire du stop » était une pratique, une technique de fabrication, il deviendrait un dispositif de travail, d’échanges et de paroles, où l’on choisit d’inviter l’aléatoire. Comment déplier la création en itinéraire, entre trajets d’influences, d’apprentissages et haltes à l’atelier ?
Hubert Renard, artiste
cherche à mettre en doute la matérialité de l’œuvre d’art et à bousculer les éléments qui l’entourent et la font exister : son « paratexte ». Il construit la possible carrière d’un artiste qui porte son nom, en créant de toutes pièces les archives d’une œuvre « exemplaire » apparue dans les années 1970 et qui suit les modes et les grands débats ayant marqué la fin du XXème siècle. L’objet d’art est subtilisé au profit de sa documentation. Ce travail est montré sous forme d’expositions documentaires, de conférences-performances (La Conférence des échelles, depuis 2001), ou publié dans des catalogues d’exposition ou des monographies. Ainsi, Hubert Renard a eu des expositions personnelles à l’artothèque de Lyon en 2003, au Cabinet du livre d’artiste à Rennes en 2008, à la galerie du CAUE à Limoges en 2009, au Centre des livres d’artistes de Saint-Yrieix-la-Perche en 2013, à la galerie mfc-michèle didier à Paris en 2017 et 2021, ainsi que cette année à la Chaufferie, galerie de la HEAR à Strasbourg (« Les Disparues » décembre 2021). Il vient de publier la somme du travail réalisé en jouant sur l’exhaustivité et la rigueur du catalogue raisonné : Alain Farfall, Hubert Renard – Catalogue raisonné, 1969-1998, mfc-michèle didier, 2021. http://hubrenard.free.fr
TOUT RENARD: Une conférence/performance d’Hubert Renard
À partir du dernier livre d’Alain Farfall (Hubert Renard – Catalogue raisonné, 1969-1998, édition mfc-michèle didier, 2021), on fera une présentation du catalogue raisonné en tant que genre, qui permettra une approche thématique du travail de l’artiste. On s’intéressera aux caractéristiques de l’un et aux problématiques de l’autre, et réciproquement, et l’auditoire pourra ainsi approfondir ses connaissances à la fois sur un type de publication sur l’art encore assez peu étudié, ainsi que sur le travail d’un artiste dont l’intérêt n’est plus à démontrer. On envisage un retournement final – un envers déplié ?