La HEAR permet à ses anciens étudiant·es de disposer d’un atelier dans le bâtiment 75, au sein des friches industrielles DMC à Mulhouse. Après une sélection, Neckar Doll, Jacques Herrmann et Marion Stoll, diplômé.es en Art en 2019, s’y sont installés. Interview croisée.
Trois diplômé·es rejoignent motoco
Pouvez-vous présenter votre pratique respective ?
Marion Stohl : Mon travail, essentiellement en peinture à l’huile, se concentre sur la représentation du viscéral. Pour cela, je me base sur des choses que je rencontre dans mon quotidien qui me font écho au viscéral, m’interrogeant sur notre rapport à notre corps interne, à notre acceptation de la mort et au possible transhumanisme, ce qui explique que l’on peut autant croiser dans mes peintures des os de poulet pourris, des carcasses de voiture ou une bâche sur un échafaudage. Dans un style hyperréaliste, je cherche à revaloriser mes sujets, à les sublimer par la peinture pour les rendre presque précieux. Je les isole sur des fonds monochromes pour les décontextualiser.
Jacques Herrmann : Dans ma pratique j’entends susciter une expérience autant spatiale, physique qu’optique. Au croisement de l’op art (ndlr : art optique), du minimalisme et de la peinture conceptuelle, je nourris ma réflexion d’un questionnement quant au paysage, au site et sa composition. Monochromes, compositions picturale, peintures-objets, peintures murales et shaped-canvas sont dans mon travail autant de variétés qui permettent d’élargir les limites du tableau dans un travail d’abstraction qui oscille entre réalité et fiction.
Neckar Doll : Je m’intéresse principalement aux images au sens large du terme (photos, films, textes, sons…), aux liens que je peux tisser entre des mélanges de domaines culturels. J’essaye de penser mon travail comme un ensemble chimérique, comme un grand mélange des images de l’histoire du monde, un crossover entre des cultures scientifiques jusqu’à des cultures populaires ou vulgarisatrices. C’est une idée du métissage d’idées que j’essaye d’entretenir sans aucune distinction hiérarchique, ainsi je travaille avec toute sorte de médium, de façon pluridisciplinaire, passant tout autant par la vidéo que par la sculpture jusqu’à la peinture.
Qu’est-ce qui vous a poussé à candidater pour un atelier à motoco ?
M.S. : Durant notre année de diplôme nous nous sommes souvent posé la question: “Mais qu’est ce qu’on va devenir après l’école ?”. Comme Jacques, Neckar et moi étions dans la même promotion pendant 5 ans, que nous avions l’habitude de travailler ensemble, que l’on connaît la pratique de chacun et que nous sommes tous les trois de la région, nous avions envie de continuer un petit bout de chemin ensemble. motoco était une évidence pour nous, surtout avec l’aide apportée par l’école. La possibilité d’avoir un lieu spécifique pour notre pratique, comme on pouvait l’avoir à l’école et continuer de travailler ensemble nous paraissait essentielle.
J.H. : J’ai candidaté à cet atelier pour poursuivre ma pratique dans un endroit adapté. J’envisage ce moment de l’après-diplôme comme une période charnière où notre pratique est remise en question. C’est important d’avoir un endroit où je puisse me retrouver avec d’autres personnes pour pratiquer.
N.D. : C’est un espace de travail que je connaissais déjà avant d’y candidater. C’est une pièce spacieuse dans laquelle on ne se marche pas dessus. C’est une vraie opportunité après une sortie d’école, surtout quand on doit souvent produire. Pouvoir aménager un bon espace de rangement c’est un bonus !
Comment avez-vous appréhendé ce nouveau lieu de création ?
M. S. : Ayant un travail alimentaire à côté avec un emploi du temps variable, je suis à l’atelier 2 jours par semaine. C’est un peu frustrant, mais il fallait si attendre… On ne peut clairement plus avoir le même rythme qu’à l’école. Malgré tout, je me suis assez vite installée dans l’atelier et sentie à l’aise pour recommencer ma pratique dans de meilleures conditions que dans un coin de mon appartement, qui empestait la térébenthine !
N.D. : J’ai déjà pas mal puisé de ressources matérielles sur le site de motoco, pour faire des structures par exemple, avec du bois qui traînait aux alentours du bâtiment. C’est un lieu agréable pour travailler ! Même si je ne l’exploite pas directement dans ma pratique, c’est un lieu inspirant par ses couleurs, ses lumières et son architecture.
Comment vivez-vous ce partage d’atelier ?
M. S : C’était vraiment une envie de continuer à travailler ensemble surtout avec des personnes avec qui l’on a “grandi” durant nos études et avec qui l’on s’entend, aussi bien en tant que personne qu’au niveau du travail. Ça me motive de venir à l’atelier et de me dire que pendant quelques heures, on sera comme à l’époque à travailler, parler, partager ensemble. On a chacun notre rythme de vie très différent maintenant, mais c’est assez réconfortant de pouvoir se retrouver à l’atelier.
J.H. : Je trouve que c’est un avantage de pouvoir échanger et partager sur nos pratiques et projets personnels aussi différents qu’ils soient. J’apprécie de pouvoir continuer à travailler avec des personne que je connais bien et avec qui j’ai étudié pendant cinq ans. On sait par où chacun est passé dans sa pratique, on connaît l’espace et la place que prend la pratique de chacun d’entre nous, ça nous permet de nous adapter en fonction des projets.
N.D. : C’est toujours très agréable de travailler avec des amis dans un même espace. La HEAR nous beaucoup appris à partager et travailler dans des espaces communs. C’est un environnement de production que nous voulions entretenir je pense. Cinq ans de d’études en commun, ça forge de grands liens d’amitiés !
Comment vous projetez vous dans cet espace qu’est l’atelier et motoco plus globalement ?
M.S. : Même si je n’ai pas encore rencontré beaucoup d’autres résidents du lieu, je sens tellement une bienveillance, un camaraderie, une envie de partage entre artistes !
J.H. : J’essaie de développer certains aspects plus conceptuels et concrets au tour de la couleur et du paysage de mon travail que j’ai amorcés durant ma dernière année à la HEAR. Il y a certaines choses, comme mon travail d’illusions d’optique, que je considère comme acquises et sur lesquelles je n’ai pas envie de m’arrêter. J’essaie de sortir de mes sentiers battus et de trouver le moyen de continuer à expérimenter.
N. D. : En ce moment, je ne me pose pas trop de questions par rapport à mes pièces et l’atelier, du moins dans des problématiques de taille. L’atelier est un grand espace, donc quand je pense à un grand volume je le fais, mais si je dois envoyer des projets plus petits, je m’y adapte. Dernièrement, je n’ai exposé qu’à l’étranger, mais des projets sur le territoire mulhousien et alentours sont en cours. Mulhouse est une ville qui est pleine de jeunes artistes motivés, c’est aussi une raison pour laquelle je souhaitais avoir un atelier à motoco ! Avec Jacques, nous avons réfléchi à des projets en commun. Comme nous travaillons dans le même atelier et que nous avons souvent partagé des intérêts communs face à nos pratiques, il nous semblait pertinent de lancer un petit projet entre amis.
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