Stefan Kristensen

L’inconscient entre les corps : Marty, Dolto, Anzieu
L’idée d’un psychisme originairement relationnel, et non pas contenu individuellement, est une idée qui découle de la définition par Merleau-Ponty de l’inconscient comme « le sentir luimême » (Résumé du cours « Nature et logos. Le corps humain », 1960) et du sujet humain comme étant essentiellement corporel. Ce point de départ me semble plus cohérent avec le projet fondamental de la psychanalyse, qui est d’articuler ensemble les différentes dimensions de la subjectivité humaine. Mon projet actuel sur la notion d’inconscient chez Pierre Marty, Françoise Dolto et Didier Anzieu vise à dégager dans les écrits de ces psychanalystes, qui ont pris en compte de manière complémentaire la réalité du corps, une conception de l’inconscient entre les corps sensibles. Cela implique de saisir l’inconscient dans une certaine continuité avec le conscient, et ainsi au préalable à affaiblir quelque peu la barrière instaurée par le refoulement, ou plutôt de considérer le refoulement comme un certain mode de nonperception. Je voudrais montrer sur cette base comment les trois psychanalystes contribuent à leur façon à la « pensée du milieu ».

Stefan Kristensen est philosophe et professeur d’esthétique à la Faculté des arts de l’Université de Strasbourg. Il travaille sur la subjectivité humaine, en lien de plus en plus avec les autres subjectivités. Parmi ses publications, Parole et subjectivité. Merleau-Ponty et la phénoménologie de l’expression (2010), Jean-Luc Godard philosophe (2014), La machine sensible (2017) et plus récemment la traduction française de Devenir animal. Une cosmologie terrestre, de David Abram (Dehors, 2024).

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Effectivité de la relation, virtualité du contact : penser le milieu avec Winnicott
Donald W. Winnicott est célèbre pour avoir affirmé avec provocation le caractère originairement relationnel de l’existence humaine (« Un bébé, ça n’existe pas », c’est-à-dire un bébé séparé de son environnement). L’environnement n’est pas extérieur au psychisme, mais ne cesse de participer au processus de son individualisation, articulant au lieu de les opposer dépendance à l’environnement et autonomie de l’individu. Cette approche du champ de l’expérience subjective et de la vie psychique présente une certaine analogie avec la conception du milieu, où un vivant manifeste sa subjectivité en faisant émerger du monde alentour ce qui a une signification pour lui, en une relation génératrice où sujet et milieu se font l’un l’autre – c’est par son milieu que le vivant est sujet d’un monde. Toutefois, en interrogeant par le biais de la clinique comment se joue et se manifeste une relation génératrice, Winnicott inquiète de manière féconde la conception du milieu, puisqu’il y inclut une dimension créatrice. Le concept d’espace ou de phénomène transitionnel, en particulier, invite à penser l’effectivité d’une relation à partir d’un contact virtuel – « virtuel », car la relation s’y invente dans le jeu de ce contact sans référence à des possibles déjà conçus ou sentis, et qu’au lieu d’appartenir à la réalité du dedans ou à celle du dehors, il ouvre des passages de l’une à l’autre, pour peut-être en redessiner les frontières. Explorer les manières de créer un milieu à partir de Winnicott implique aussi de considérer les cas où il y a perte de contact, et où l’articulation créatrice entre virtualité et effectivité se défait, comme dans la « crainte de l’effondrement », unique et terrible possible, mais qui « a déjà eu lieu » (Winnicott).

Les intervenants du cycle :
Stefan Kristensen · Jacob Rogozinski · Stéphane Muths · Frédérique Riedlin

— Un séminaire initié par Sandrine Israel-Jost dans le cadre du Collège International de Philosophie.

— Mardi 25 février 2025 à 18h30
HEAR, salle 18
1, rue de l’Académie à Strasbourg
Entrée libre dans la limite des places disponibles
Possibilité de suivre la séance en visioconférence, lien ici